Ne manquez pas ce rendez-vous avec Anne Simon, qui parle de Jacques Lacarrière et des animaux dans son dernier livre “Une bête entre les lignes” (Wildproject) au micro de Zoé Varié sur France Inter ce 13 juin « On peut tout à fait être humaniste en tenant compte des animaux et de l’animalité ».
Radegonde, reine de France devenue moniale, fonda à Poitiers un important monastère de femmes. C’est là qu’elle rencontrera le poète Venance Fortunat. En ce 6ème siècle encore à moitié barbare, où Francs et Germains s’affrontaient en permanence et où le sang coulait au sein de chaque famille royale, la vie de Radegonde apparait comme un choix, un chant, un chemin de lumière. Le Jardin des miracles, c’est cet enclos de rêve, de bonté et de dévotion que Radegonde sut édifier au milieu des horreurs de son temps.
Ce concert-spectacle, élaboré sous la conduite de Jacques Lacarrière, fait alterner des chants (hymnes de Venance Fortunat composées pour le monastère de Poitiers et chantées sans interruption du 6e siècle à nos jours, pièces des offices de sainte Radegonde, chants des divers rites chrétiens de cette époque lointaine…) et des textes dits (récit des principaux miracles de Radegonde, extraits des lettres de Fortunat …)
L’ensemble Venance Fortunat La musique médiévale au présent
Difficile, dans un créneau aussi spécifique que celui de la musique médiévale, de passer à côté du travail fourni depuis plusieurs années par l’ensemble Venance Fortunat. Les nombreux disques et les succès qu’ils obtiennent, ainsi que les tournées qui se succèdent sur les cinq continents, sont là pour en témoigner. Sous la direction d’Anne-Marie DESCHAMPS, les chanteurs professionnels qui composent cet ensemble, sont devenus de véritables spécialistes de la musique sacrée. Par leur recherche approfondie des sources et grâce aux interprétations qui en découlent, cette partie du patrimoine artistique, représentative de la richesse musicale de toute une époque, témoigne d’une étonnante modernité qui influence encore de nos jours une partie de la création vocale.
A propos de Jocaste
Plus on réfléchit sur Jocaste et plus s’intensifient les ombres - ou si l’on veut les blancs - que la légende a laissée sur son compte. Pourquoi, dans les œuvres classiques, cette résignation devant un sort immérité ? Pourquoi cet abandon aux forces obscures des oracles ? Avec Euripide, un refus, en partie conscient, en partie inconscient dresse Jocaste contre l’absurdité des décisions divines. Mais Euripide ne pouvait aller au-delà - dans la révolte de Jocaste - sans la faire entrer à son tour dans le sacrilège. Pour ma part, et tout en tenant compte des données de la légende traditionnelle, j’ai voulu aller encore plus loin, déborder le cadre de la Grèce antique et parler, à travers Jocaste, de toutes les femmes humiliées, méprisées, ignorées, victimes de la folie et de l’égoïsme des hommes. C’est pourquoi le chœur - constitué de femmes proches de Jocaste, si proches que mon souhait serait qu’elles en soient autant de doubles, de sosies vivants - retrace la longue lignée des femmes victimes des dieux, des hommes et des oracles, des femmes immolées sur l’autel du pouvoir ou de la richesse. « Ce qui est fascinant, ce n’est pas l’agréable, c’est l’insondable » écrivait Ludovic Janvier, à propos du personnage d’Erzebet. Bien qu’aux antipodes d’Erzebet, Jocaste répond elle aussi à cette image, promise malgré elle à l’inceste par l’arbitraire inhumain des oracles. J'en ai fait le contraire d’une femme résignée, j’en ai fait une femme, une mère, une épouse et une reine lucides et surtout capables de percevoir d’emblée ce que les hommes ne voient jamais, aveuglés qu’ils sont par le vertige du pouvoir. Le texte de cet opéra se veut un affranchissement, une libération de la Jocaste traditionnelle et j’ai tenté, ici, de faire sortir de la nuit sans fin promise par l’oracle une reine lucide qui se voulut d’abord femme et mère.
Jacques Lacarrière.
Opéra en trois Actes sur un livret de Jacques Lacarrière
Jocaste – Hélène Jossoud Antigone – Monique Krüs Œdipe – Jean-Marie Frémeau Polynice – Benoît Boutet Étéocle – André Cognet Créon – François Harismendy Le Messager – Douglas Nasrawi
Chœur du Théâtre des Arts Orchestre Symphonique de Rouen Direction Frédéric CHASLIN
Directeur artistique de l’enregistrement : Daniel Zalay Prise de son : Didier Gervais, assisté de Solène Chevassus Enregistrement public réalisé par Radio-France au Théâtre des Arts de Rouen les 5 et 7 novembre 1993 Mise en scène : Marc Adam – Décors et costumes : Johannes Leiacker Photos recto et livret : Daniel Huray – Ville de Rouen
Des fantaisies jubilatoires. Voilà ce que sont pour moi les peintures d’Oscar Epfs alias Lawrence Durrell.
Reprenons ses termes. Des fantaisies, oui. Autrement dit, pas d’aspirations proclamées au Grand Œuvre ni de prétentions cosmiques mais des jeux, des joies, des farces même quelquefois et très souvent des fêtes. La main d’Oscar Epfs suit son cœur qui suit son rêve qui suit son rire.
Et puis, des jubilations. Jubilation, mot durrellien par excellence. Jubiler c’est, d’après le dictionnaire, « manifester une joie vive et expansive qui se traduit le plus souvent par des signes extérieurs ». Définition parfaite des peintures d‘Oscar Epfs. Elles manifestent pour la plupart une joie en expansion – comme l’univers – et maints signes extérieurs de liesse. Approchez-vous de certaines d’entre elles et vous y surprendrez des rires étouffés, des sourires en coin, des complicités chuchotantes avec le monde environnant. Au fond, dans leur plus grande part ces peintures sont plutôt d’inspiration païenne, pour ne pas dire panthéiste, et l’on y chercherait en vain la moindre trace de péché originel. Elles ne contiennent ni serpent ni faute mais la raison en est très simple : elles ne dérivent d’aucun modèle ni d’aucune tradition. Elles expriment simplement et crument la joie des mains, et celle des yeux à jouer avec des couleurs. D’où ces hymnes au soleil vivant, à la mer exultante, d’où ces totems heureux, ces fantômes en goguette, d’où cette palette souvent primitive et naïve. Joies et jeux, jeux et joies, nous voici revenus au début de notre chemin : aux fantaisies jubilatoires. C.Q.F.D.
Un jour, Lawrence Durrell nous fit un très précieux cadeau : une œuvre d‘Oscar Epfs. C’était une petite peinture à l’huile représentant un port méditerranéen la nuit. Sur la colline, entre les étendues bleu-sombre de la terre et de la mer, s’étageaient, comme un cortège de lucioles, des rangées de maisons illuminées. Un port en fête, donc, une liesse, une joliesse de mâts, de coques, de fenêtres et de lune. Une nuit enluminée, calme et sage. Une nuit epfsienne.
Lorsqu’un écrivain se met à peindre, on peut toujours se demander si ce n’est pas pour lui une autre façon d’écrire, un moyen de vouloir s‘illustrer lui-même en illustrant le monde. Avec Oscar Epfs, rien de tel. Cette question ne s’est jamais posée. Il ne peint surement pas pour accéder au panthéon des peintres, il ne peint certainement pas par manque ou par névrose mais plutôt par plénose. Comblé par l‘écriture, il ne demande pas aux couleurs de remplacer les mots mais au contraire de les accompagner en lui fournissant des jubilations parallèles et des joies non pareilles.
Alors, peinture d’amateur ? Oui, à condition de prendre ce mot dans son tout premier sens qui est : personne ayant un goût très vif pour quelque chose. Oscar Epfs avait un goût très vif pour les couleurs. Et un besoin plus que vif, un besoin vital et viscéral d’écrire. Vif, voilà le mot qui relie chez lui ces deux activités : écrire et peindre. Et qui relie d’un fil d’Ariane subtil et lumineux, Oscar Epfs à Lawrence Durrell.
Jacques Lacarrière
Pour le catalogue Lawrence Durrel, 3/8/1992
Voir l’œuvre dans le Cahiers Jacques Lacarrière, Méditerranée
Ce lundi 14 décembre 2020, le jury du prix littéraire Jacques Lacarrière, présidé par Gil Jouanard, a récompensé Michaël Ferrier pour son livreScrabble, paru aux éditions Mercure de France en septembre 2019. Il succède à Jean-Luc Raharimanana, premier lauréat en 2018 pour Revenir (Rivages).
Les mots du jury : Comme un jeu de scrabble, la partie commence par des cases vides offrant tous les possibles puis se complique et se resserre pour aboutir à une issue inéluctable. Les paysages du Tchad – sa lumière, sa poussière ocre, le vent – et les personnages sont tout entiers portés par la sensibilité et la poésie d’une écriture de la sensation portée à l’incandescence. Le récit suit Michaël Ferrier dans son initiation à une culture différente, à une autre façon d’habiter le monde. Outre sa dimension de témoignage sur un conflit dévastateur, et sa vision politique du rapport entre ex-colons et ex-colonisés, son livre rappelle l’esprit curieux et ouvert sur le monde de Jacques Lacarrière qui écrivait : « Être cultivé aujourd’hui, c’est porter en soi, à sa mort, des mondes plus nombreux que ceux de sa naissance. Être cultivé aujourd’hui, c’est être tissé, métissé par la culture des autres. »
Au cours du festival De la Guerre à la Paix de juillet 2003, le public du Centre Mondial de la Paix de Verdun a pu découvrir Sol Invictus une création mondiale co-signée par Michel Sendrez, compositeur et Jacques Lacarrière.
Au cours de ces derniers mois, j’ai travaillé dans l’île de Chypre sur la zone interdite séparant depuis le mois d’Août 1974 la partie turque et la partie grecque de l’île. J’ai pu rencontrer ainsi à plusieurs reprises les soldats de la force d’interposition de l’ONU. Des soldats éventuellement armés mais des soldats dont la mission est d’empêcher toute reprise des combats.
Il m’a semblé qu’aujourd’hui un texte sur la paix ne pouvait pas ignorer cette nouvelle fonction ou cette nouvelle mission d’une armée : veiller sur la paix à l’ombre des armes. Et cela, quelle que soit la forme de ce texte : prose ou poème, appel ou élégie, prière ou manifeste. C’est la raison pour laquelle une des voix de cet oratorio est celle d’un soldat de la paix. Pourquoi aussi une des voix féminines est celle d’une réfugiée. Pour quiconque a pu parcourir les différents camps installés dans le Proche-Orient comme je l’ai fait ces dernières années, les réfugiés sont devenus les plus nombreuses, comme les plus éprouvées, des victimes de l’état de guerre.
La paix ne saurait être simplement le contraire de la guerre. Elle n’est pas un état de grâce mais le résultat d’un combat. Elle ne saurait être soumission, encore moins démission face à la violence. Si la guerre est l’équivalent d’un cri, la paix doit être un chant fort et puissant. C’est pourquoi je n’ai pas renoncé pour autant à faire place à l’espoir — même né à l’ombre des armes- symbolisé ici par l’aube et le soleil levant. Carle soleil apporte non seulement le jour mais la réconciliation. Je n’ai pas trouvé pour l’instant de titre à ce chant de l’aube future. Dans mon esprit, je le nomme Soleil invaincu, nom que les Romains donnaient aux jours du solstice d’hiver où l’astre paraissait englouti dans la nuit.
Jacques Lacarrière
Quand Jean-Luc Demandre, directeur du Centre mondial de la Paix et Didier Patard, directeur de Transversales, m’ont fait la commande d’une œuvre sur la volonté de vivre en paix, je me suis très vite adressé à Jacques Lacarrière en espérant qu’il accepterait de relever le défi d’un sujet aussi difficile. Il en est résulté ce très beau texte : Sol invictus. La difficulté à laquelle je me trouvais alors confronté était d’arriver à traduire musicalement, non seulement la beauté de la langue mais aussi l’idée, parmi tant d’autres, d’une espérance aussi forte dans un avenir lumineux. J’ai conçu une disposition scénique de façon à ce que toute tentative de dialogue paraisse hors temps, hors espace. Le comédien et la comédienne immergent le sujet dans l’actualité. Le comédien, dont le double, danseur capoiériste, donne à voir l’habileté de ses acrobaties verbales, la comédienne, elle, femme victime, prolongée ensuite par la danseuse butô symbolisant, dans sa nudité, l’espoir au féminin.
Chemins faisant fêtant ses 10 ans cette année, nous présentons sur notre site un ensemble d’articles de Jacques Lacarrière sur la Grèce de 1963 à 1973. Ces textes ont été saisis par Elisabeth Copin et Max Angot, compagnons de Chemins faisant
La mémoire de ma mémoire n’est pas ce que j’ai vécu mais ce dont j’ai hérité. L’écho d’un passé. Elle est la partie immergée de mon histoire. L’amont nocturne de ma saga. Le caillot que j’avais dans le poing au jour de ma naissance et dont, enfant, on m’a transmis la tragédie. Et ce que j’ai voulu oublier. Gérard Chaliand
Gérard Chaliand voyage beaucoup, voyage sans cesse… Vietnam, Iran, Afrique, Afghanistan, Kurdistan, partout où il passa, il fut d’abord témoin – parfois même acteur – des combats et des révolutions du Tiers-monde. Il a partagé des années en ces pays d’exigences, ces pays durs mais fraternels, il a partagé le pain et le sel des injustices et des espoirs. Témoin, acteur, conseiller, frère, ami, il a joué tous ses rôles. Et aussi celui du poète qui, de ces plongées dans l’histoire fragile et féroce du monde, a rapporté des mots qui durent, des chants tutélaires. Mémoire de ma mémoire parle, de façon indirecte, avec deux générations interposées, du génocide arménien, ce n’est pas un retour sur ses origines, mais un enrichissement. Ce livre est une remémoration, presque une réincarnation de quelques-uns de ces combattants dont les noms, aujourd’hui, ne nous dirons plus rien, mais qui ont été, en leur temps, les derniers défenseurs de la liberté arménienne. Jacques Lacarrière