» A mon sens, tout art est ificiel ou, si l’on veut artificiel . Hors le grand avantage de l’autre- l’art non ificiel que ces photos proposent – c’est qu’il envoie paître une fois pour toutes aux prairies du néant toutes ces notions de naïveté , de natur-alité, de brut-alité (pour l’art dit « brut » cher à Jean Dubuffet ) et de nous mettre une fois pour toutes en face de l’évidence : il n’est d’art que fait de doigts, de mains , de muscles, de neurones et de cerveaux d’hommes. Il n’est d’art que de ruse, de parades, de supputations et de précautions contre les pièges du vide et de l’ennui, les sables mouvants du néant, l’insoutenable bleu du ciel , la blancheur suspecte de la toile, bref il n’est d’art que d’apposition en mettant quelque chose là où rien n’existait .
Photographies Noir & Blanc Au cours de ses nombreux séjours à Sacy depuis plusieurs années, Carol-Ann Willering a parcouru le village et ses environs, les photographiant au fil des saisons, essentiellement en noir et blanc. A travers ce travail, se dessine un paysage personnel du village composé de fragments de murs, d’objets, de tas de bois, d’arbres, de champs, d’animaux, de maisons, tout autant que des vastes paysages qui entourent Sacy et ses ciels extraordimaires. Un Sacy rude et secret, mais aussi lumineux et vaste, a l’image de cette Bourgogne qu’elle aime et connait depuis très longtemps
Les 13, 14 et 15 aout 2022 De 11h à 13h et de 15h à 19h
Vernissage le 13 aout à partir de 18h 78 Grande Rue, 89270 Sacy
L’association Théâtre Il présente ses réalisations sur le théâtre antique au cours d’un apéritif amical à l’occasion d’une rencontre avec Chemins faisant pour une évocation de la tragédie selon Jacques Lacarrière.
Mardi 14 juin à 19h30
à l’Atelier Galerie, 4 rue Audran 75018 Paris Métro les Abbesses ou Blanche
Yerres, à la librairie Le Pain de 4 Livres Vendredi 15 avril 2022 à 19 heures
Rencontre autour de l’écrivain et poète Jacques Lacarrière, raconté par Florence Forsythe dans son livre Jacques Lacarrière, passeur pour notre temps Lecture Sylvia Lipa-Lacarrière
Butineur de mondes, l’écrivain est aussi un butineur de mots. L’un ne va pas sans l’autre. Sa tâche, alors, comme celle de l’abeille, sera de rapporter en ses pages non seulement le pollen du monde (sous forme d’observations, notes, journaux, images et émotions) mais de conserver en ses mots, ses phrases, en ses récits la saveur d’origine de ce qui l’inspira. Une réalité décrite, transcrite, transmuée, transmutée en miel par l’alchimie de l’écriture. De même que l’on peut retrouver dans un miel la saveur des fleurs butinées, la sensualité de l’écriture doit pouvoir faire reconnaître dans un texte la saveur du réel qui l’a inspiré… J.L.
« On insiste peu sur la dimension spirituelle de Jacques Lacarrière ; aussi, j’apprécie particulièrement que ce beau portrait, par Florence Forsythe, en souligne l’importance : en ce qu’elle implique une idée très forte de la littérature, de ses pouvoirs et de ce qu’elle révèle de nous- mêmes » Michel Le Bris
Si les mots « Mer Noire » évoquent pour beaucoup de gens une mer hostile et mystérieuse, l’Adriatique, bien qu’à deux pas, à deux heures de vol de la France nous est aussi méconnue. Comme continuent d’être méconnus, malgré l’actualité, les pays qui s’étendent entre ces deux mers et qu’on nomme les pays balkaniques. Des Balkans, que j’ai beaucoup parcourus dans les années soixante en me rendant en Grèce, j’ai gardé l’image d’une suite de mosaïques humaines hétérogènes où langues, sol, traditions et histoire ne coïncidaient jamais. Mais laissons là l’histoire qui serait trop longue et qui d’ailleurs est très bien résumée dans les différentes introductions de cet ouvrage. L’ignorance qui est celle de l’Europe à l’égard de l’histoire de ces pays s’étend aussi évidemment à sa littérature. Je me souviens après la guerre de l’incrédulité des gens de lettre parisiens lorsque parurent les premières œuvres en français d’Ivo Andric et de Dusan Matic, romancier et poète serbes renommés. Non, ce n’étaient pas des Martiens, mais des écrivains d’aujourd’hui ! Avec l’arrivée des régimes communistes, on aurait pu penser qu’un léger dégel les aurait rapprochés de nous, mais non, ce fut exactement le contraire : un parfait et total glacis militaire, politique et culturel.
Et le théâtre dans tout cela ? Eh bien, le théâtre y fut – y est toujours – l’un des meilleurs et des plus forts miroirs de cette réalité incohérente, tragique, absurde. Dans sa présentation du théâtre albanais contemporain, Dominique Dolmien a d’ailleurs à ce sujet une phrase tout à fait révélatrice : « Quand les théâtres de l’Ouest jouaient l’absurde, ceux de l’Est le vivaient ». C’est vrai, l’absurde en ces pays n’avait rien de scénique ou de théâtral, il imprégnait la vie collective quotidienne à tous ses niveaux. Que faire alors face à un présent et un avenir dépourvus de sens, à un régime et un parti dont la langue n’était pas de bois mais de béton, et des autorités aux décisions courtelinesques ? Il n’y a que trois réponses possibles, sur scène ou dans la vie : le silence, l’exil ou la dérision. C’est cette dernière qui l’emporte très nettement dans la plupart des pièces présentées ici, dérision qui est une des formes les plus poussées et les plus efficaces de l’humour, et aussi le goût des situations extrêmes, des impasses définitives. Les rapports humains Les plus brutaux, les sentiments les plus mesquins, les jeux les plus cyniques, les calculs les plus dérisoires deviennent monnaie courante dans ce théâtre – dans ces théâtres faudrait-il dire car ils ont tous un air constant de parenté – cynisme, cruauté qui ont pour envers une impitoyable lucidité. Non, on ne s’ennuie pas devant ces couples assassins, ces vivants qui meurent soudainement sans raison, ces morts qui ressuscitent aussi sans raison. Le théâtre devient un véritable décapant des mensonges individuels et désillusions collectives.
Ainsi poussée en ses limites extrêmes, la dérision devient comme la sœur du néant. C’est bien pourquoi, comme l’indiquent les présentateurs de ces œuvres, beaucoup d’auteurs ont pris pour modèle – jamais véritablement contraignants – Ionesco, Beckett, Pinter – qui, eux n’ont pas vécu mais imaginé l’absurde. Il y a dans tous ces textes, une radicalité, un désespoir, un jusqu’au-boutisme mais aussi une clairvoyance et une énergie prodigieuses. Rien de tel dans la production actuelle de l’Occident en mal, non de frontière ou de reconnaissance, mais d’authenticité. Ici, tout est authentique, l’histoire comme l’horreur, le rire comme la détresse, la bêtise comme l’ingéniosité. Toutes ces œuvres témoignent d’une histoire collective toujours à vif, de plaies jamais encore cicatrisées, de prisons jamais libérées, de frontières jamais définies. Pourtant, en lisant ces textes, si forts, insolites, et merveilleusement insolents, je n’ai cessé de me dire en pensant à tous ces auteurs, morts ou vivants : leur histoire collective est une série de catastrophes, leurs espérances un défilé d’abîme, leurs loisirs une suite de soûleries mais ils ont quelque chose à dire, déclamer, dénoncer, moquer, crier, défier. Leurs désespoirs, leurs drames, certes, ne sont pas nouveaux sous le soleil – surtout celui de ces pays – mais ils sont traduits dans une langue si expressive, neuve et nue, que leur message est on ne peut plus clair : si le mensonge du monde est dans les coulisses de l’histoire, la vérité de l’homme est sur la scène.
Jacques Lacarrière, septembre 2000
Préface à De l’Adriatique à la mer Noire
Association Rencontre Européennes du Livre de Sarajevo Centre André Malraux Etonnants Voyageurs Collège Internationnal des Traducteurs Littéraires d’Arles
Préface à De l’Adriatique à la mer Noire, Ecritures théâtrales, Maison Antoine Vitez,
Centre international de la traduction théâtrale Rencontre avec Jacques Lacarrière
Le but alors du voyage ? Aucun si ce n’est de perdre son temps le plus féeriquement, le plus substantiellement possible. Se vider, se dénuder et une fois vide et nu s’emplir de saveurs et de savoirs nouveaux. Se sentir proche des Lointains et consanguins des Différents. Se sentir chez soi dans la coquille des autres. Comme un Bernard-l’hermite. Mais un Bernard-l’hermite planétaire.
Ainsi pourrait-on définir l’écrivain-voyageur : « crustacé parlant dont l’esprit, dépourvu de carapace identitaire, se sent spontanément chez soi dans la coquille des autres ». Oui, pensons bien au Bernard-l’hermite. A ce symbole de liberté dans la jungle du fond des mers. A son indifférence à toute carapace originelle et à tout habitat permanent. A sa façon d’être chez lui dans la première coquille venue. De s’approprier en somme le squelette de l’histoire des autres.
L’écrivain voyageur, lui, ne s’approprie rien, si ce n’est éventuellement le langage des autres, en comprenant et apprenant leur langue. Pour pouvoir dire à lui seul et à deux voix le grand poème du monde.