Voyage dans l’Egypte antique

Photographie de Jacques Lacarrière

Samedi 10 août, 20 heures
Villa Gallo-Romaine 
Escolives-Sainte-Camille

Une parole sage est plus cachée qu’une émeraude On peut la trouver parmi les humbles servantes qui broient le grain«
L’Art de vivre du vizir Ptahhotep », XXVe avant J.-C.

Textes profanes de l’Egypte antique.
D’après l’ouvrage Dans la lumière antique de Sylvia Lipa-Lacarrère et Jacques Lacarrière. Lectures Sylvia Lipa-Lacarrière, Chloé Johns. Improvisations musicales de Charles Mathieu. Présentation Vincent Lacarrière.

« … Ici, au premier lieu du monde… sur les eaux du Nil, a surgi le premier enfant-dieu… Il se nommait Ptah… le corps serré dans les bandelettes de sa naissance… (les mêmes que l’on mettra plus tard sur les momies, langes de leur éternité…) »

Jacques Lacarrière

Apéritif gallo-romain : recettes romaines élaborées à partir du recueil de recettes du romain Apicius. Qui sera suivi d’une visite nocturne de la Villa Gallo-romaine à 21h 45.
Tarifs : Totalité de la soirée : 19 € (10.5 € de 12 à 18 ans ; 8€ moins de 12 ans). Réservation : 03 86 42 71 89.

Le Chant de la Création

L’écriture commence à Sumer

Photographie de Jacques Lacarrière

Bibracte en Morvan mercredi 14 août à 20h

« L’homme n’est que l’ombre des dieux »

… Pour l’homme de ces temps-là – temps de naissance, de ce surgissement de ce miracle que fut l’écriture –, la parole était l’apanage et le privilège exclusif de l’homme. En mésuser, la rabaisser, la violenter, c’était trahir notre devoir, notre essence même d’être humain.

Telle est la première des leçons de sagesse énoncée sur les bords du Tigre et de l’Euphrate, il y a quarante siècles. Je la crois pour ma part toujours vraie. Et plus que jamais nécessaire
Jacques Lacarrière

Récitantes, Sylvia Lipa-Lacarrière, Chloé Johns, improvisations musicales de Charles Mathieu

Entre l’instant qui passe et l’Au-delà qui s’éternise, s’écoule le temps présent, vivant des hommes. Le seul qui vaille d’être recensé. Avant lui, après lui, il n’y a que des ombres. En lui seul, et sa durée fragile, résident la saveur du temps et la lumière des hommesJ.L.

Tarif compris dans l’entrée au musée : 7,50 € en plein tarif, 5,50 € en tarif réduit. Gratuit pour les moins de 12 ans et les détenteurs du laissez-passer.

Informations Bibracte

Sur les chemins d’Anatolie

Poèmes, musiques et chants des mystiques soufis
Les Asikou Amoureux ont composé du XIII° siècle jusqu’à aujourd’hui de magnifiques poèmes sur leur quête incessante et passionnée d’amour humain et d’amour divin.

Le plus connu de ces poètes errants, Younous Emré, a écrit des centaines de poèmes dont beaucoup sont encore chantés en Turquie car il les composa en turc, langue populaire et non en persan qui était la langue savante de l’époque. A ses côtés, avant et après lui, d’autres poètes troubadours ont écrit et laissé eux aussi d’admirables hymnes, prières ou invocations. Ils ont constitué en leur temps un florilège unique de poèmes et de chants, mais aussi un message d’amour, de tolérance, d’humanité et de lumière. Jacques Lacarrière

« … De Younous Emré à Achik Daimi, ces bardes de l’Orient, le même crédo humaniste (avant que ce mot ne fut dénaturé), n’a cessé de s’exprimer, qui préfère la pureté du cœur au respect des dogmes ».Françoise Arnaud-Demir

Évocation en musique et sous forme de libre promenade des lieux, des paysages et des hommes qui ont traversé cet océan qu’est l’islam mystique.

Avec Mahmout Demir, saz, Sylvia Lipa-Lacarrière, récitante, Elie Guillou et ses carnets de voyage.

Nous avons plongé dans l’Essence et fait le tour du corps humain Trouvé le cours des univers tout entier dans le corps humainEt tous ces cieux qui tourbillonnent et tous ces lieux sous cette terre Ces soixante-dix mille voiles dans le corps humain découverts Les sept ciels les monts et les mers et les sept niveaux telluriques L’envol ou la chute aux enfers tout cela dans le corps humainEt la nuit ainsi que le jour et les sept étoiles du cielLes tables de l’initiation sont aussi dans le corps humainEt le Sinaï où monta Moïse – ou bien la Kaaba L’Archange sonnant la trompette mêmement dans le corps humain La Bible et l’Ancien Testament et les Psaumes et le Coran Toutes paroles écrites se trouvent dans le corps humainCe que dis Younous est exact nous avons confirmé ses dires Dieu est où le met ton désir : tout entier dans le corps humain.

Younous Emré, trad. Guzine Dino et Marc Delouze

Omer Kaleisi

VENDREDI 22 MARS 2019 À 18H30 Bibliothèque de Saône-et-Loire, 81 chemin des Prés – Charnay-les-Mâcon. Edwige Labruyère – Tél. : 07 85 11 87 78 

Fragments

Nouvelles et récits de Grèce
Le 23 avril 2018, Athènes a donné le coup d’envoi d’une année de célébration de la lecture, de la culture et de la connaissance, comme Capitale mondiale du livre 2018 de l’UNESCO. « Des livres partout » est le mot d’ordre de cette manifestation. La cité antique célèbre les livres de mille et une façons pendant un an, d’avril 2018 à avril 2019.

Photographies de Jacques Lacarrière.

La Ville s’est associée à plus de cent cinquante institutions d’éducation, à des écrivains et à l’industrie du livre. Des centres culturels, musées, groupes de la société civile, start-up, organisations non gouvernementales (ONG), ambassades et organisations internationales ont répondu présents à l’appel. Rejoints, comme il se doit, par quelque cent cinquante bibliothèques à travers le pays, qui proposent, sous l’égide de la Bibliothèque nationale de Grèce, des programmes spéciaux dans le cadre d’une campagne de lecture estivale.

Les Fragments s’inscrivent dans cette année de célébration du livre : composé de cinq nouvelles écrites par des auteurs grecs contemporains et de quatre courts récits d’auteurs français, ce volume est un hommage à la Grèce, à son histoire, à la place du livre dans cette histoire. Des photos de Jacques Lacarrière des années 1950 et 1960 accompagnent et complètent les textes – les Iles et le Mont Athos –, une façon de rendre également justice au patrimoine naturel du pays

Lectures pour le temps présent

Retrouvons-nous pour la parution en poche de Ne lâchons pas la proie du soleil pour l’ombre des écrans ou Ce bel aujourd’hui de Jacques Lacarrière

Lectures par les compagnes et compagnons de Chemins faisant

Mercredi 8 mai à partir de 18h30
à l’Atelier Galerie, 4 rue Audran 75018 Paris

Métro les Abbesses ou Blanche

Ce bel et nouvel aujourd’hui qui compose la première partie avait été publié du vivant de Jacques Lacarrière en 1989. Il est complété par « Etonnements d’un promeneur solitaire », des « textes retrouvés » plus tard, et le total compose « Ce bel et vivace aujourd’hui ». C’est peu dire que cette seconde partie m’a emballée – je l’ai trouvée lumineuse et elle m’a réjoui le coeur. Il y a par exemple une promenade dans une ville aux bacs pleine de poésie, avec l’art de surprendre le lecteur avec une langue de conteur poète.
Enfant et homme tout à la fois, tous deux accordés en l’être qu’il était par la grâce du compagnonnage d’Héraclite et de Félix le Chat, Lacarrière nous rappelle l’audace et la nécessité fondamentale des mythes pour nous aider à donner du sens à notre présence au monde. Et, interrogé sur l’événement majeur du millénaire finissant, il retient surtout la découverte de l’inconscient. Plus que l’Amérique ou les microbes, car il est ce qui lui « semble être ce qui avait le moins de chances d’être découvert car il est en nous… en ce qu’on pourrait appeler le royaume fait de tous les enfers et de tous les paradis imaginés par les religions. (…) L’inconscient, c’est ce qui nous rapproche le plus des anges et des démons, du supra-visible et de l’infra-visible, du supra-sensible et de l’infra-sensible ».
Pourquoi lire cet ouvrage ? Pour se laisser surprendre par ce regard, s’émerveiller, s’émouvoir et, peut-être, voir le monde un peu différemment, le livre refermé, avec un peu plus de bienveillance, avec des dragons à protéger, qui « ne cracheront plus des flammes mais des fleurs ».
Véronique Poirson

Editions Le Passeur 2019
ISBN 978-2368907009

Faisons la paix avec Aristophane

Rien ne ressemble moins à l’Athènes du V° siècle que le Paris du XX°siècle et rien ne ressemble moins au Parthénon que Notre-Dame. Ce n’est d’ailleurs pas tellement, comme on pourrait le penser, une question d’architecture. La grande différence entre le premier et la seconde, c’est que les cryptes de Notre-dame n’abritent pas les réserves d’or de la Banque de France alors que le Parthénon contenait le trésor d’Athéna, autrement dit l’argent de l’Etat. Dieux et hommes, à cette époque, faisaient caisse et cause communes contre l’adversité. A propos de chaque domaine de la vie politique, économique, religieuse, culturelle, on pourrait multiplier les exemples. Rien ne ressemble moins, finalement, à une démocratie qu’une autre démocratie, surtout quand vingt-cinq siècles les séparent. Leur seul point commun, c’est leurs défauts, leurs vices fondamentaux contre lesquels s’est exercée la verve d’Aristophane et, de nos jours, celle des auteurs satiriques, du chansonnier à l’auteur comique. Là, même si les régimes en cause sont assez différents, il y a un terrain d’entente à travers les frontières et les âges : la démocratie, à Athènes ou à Paris, c’est ce qu’on peut critiquer sans risquer (en principe) « l’atteinte au moral de l’armée » ou l’outrage à magistrat ». Je dis en principe car, à Athènes comme à Paris — et surtout à Paris — il y eut et il y a des exceptions pour confirmer la règle.

Entre l’est et l’ouest

Amusons-nous, un instant, au jeu (discutable) des correspondances historiques. Quand Aristophane écrit La Paix, Athènes est menacée sur deux fronts : à l’est par la «  pression » d’un grand Etat totalitaire et impérialiste qui, pour les Grecs, se confond avec l’Asie (je veux dire l’Empire perse dont les armées innombrables ont, deux fois de suite, envahi la Grèce) et à l’ouest par la pression plus inquiétante d’un ancien allié devenu insolent, exigeant, belliciste (je veux parler de Sparte). Ajoutons qu’en même temps, Athènes a des difficultés avec les cités « alliées » sur lesquelles elle règne (nous dirions aujourd’hui ses colonies). Ces cités du Nord et ces îles de l’Egée réclament leur indépendance ou leur autonomie et, à l’occasion, se révoltent. Prise entre un Est toujours inquiétant et un Ouest revanchard, en proie à une « décolonisation » difficile, qu’elle fait d’ailleurs tout pour empêcher, Athènes est contrainte de faire sans cesse la guerre. Mais cette politique de défense et d’improvisations continuelles n’en est pas une. Quand Aristophane écrit ses principales comédies, Périclès est mort depuis quelques années, Athènes se cherche un homme ou des hommes d’Etat, une voie, une politique. Quant au peuple, enjeu et jouet de tous les démagogues, tantôt il est pris de fureurs bellicistes (au point de vouloir faire massacrer tous les habitants mâles de l’île de Mytilène qui s’est révoltée contre Athènes) tantôt il réclame avec autant d’impatience la paix immédiate.
Dans cette Athènes versatile et passionnée, Aristophane est sans doute le seul citoyen à n’avoir jamais changé d’avis. A trente ans d’écart , des Babyloniens (écrit à vingt ans en 426) à L’assemblée des femmes (écrit à cinquante ans en 392) il ne cesse de prôner la paix, selon des formes et des formules évidemment différentes.
Verve, bouffonnerie, burlesque, humour, calembours, fantaisie, fantastique, poésie, féerie, il y a de tout dans les comédies d’Aristophane. Mais ce tout, et cet enchantement des êtres, des situations, des jeux de mots, ne doivent pas faire oublier, chez lui, cette constance dans la critique de la guerre (ou si l’on veut du bellicisme), de la démagogie, de la malhonnêteté, de la bêtise. Pour Aristophane, le grand dieu de son temps, celui que le peuple adore sans le savoir, ce n’est ni Zeus ni Dionysos, c’est la Bêtise et son œuvre est un combat continuel contre toutes les formes de Bêtise. Ce combat, jusqu’à La Paix, a pris des formes plus virulentes que dans les dernières œuvres où la fantaisie et l’absurde prédominent.
Virulentes ? Voyons Les Babyloniens (dont on ne possède que le sujet car la pièce est perdue). Aristophane y dénonce les exactions exercées par Athènes contre les cités « alliées » révoltées. Les alliés d’Athènes sont représentés comme des esclaves babyloniens couverts de chaînes et marqués au fer rouge et les fonctionnaires athéniens comme des rapaces capables des pires sévices pour récupérer les impôts de ces alliés. Au point qu’après la représentation, Aristophane fut accusé de « diffamation contre la république » et « d’outrage à magistrat » et traîné devant un tribunal. Il y fut d’ailleurs acquitté ce qui montre que les magistrats grecs étaient en avance sur ceux de notre temps. Alors, il revient à la charge, l’année suivante, avec Les Acharniens. Devant un public populaire particulièrement « monté » en faveur de la guerre contre Sparte, il ose plaider la cause de la paix, ridiculiser l’armée — ou plutôt ses cadres — en la personne de Lamachos, général vantard et grotesque, et faire triompher la cause d’un simple paysan d’Afrique, Dicéopolis, décidé à faire la paix pour son compte. De nos jours, en tenant compte des similitudes historiques, une telle représentation serait impensable. Comme l’écrit G. Murray, « Il eut été impossible, en tout pays d’Europe, pendant la dernière guerre, à un écrivain, si brillant fut-il, de prononcer un discours favorable à l’ennemi devant un auditoire populaire moyen. Il aurait pu écrire un pamphlet ou s’adresser à une assistance restreinte de gens acquis à son opinion. Mais il n’aurait jamais pu se permettre une apologie de l’ennemi ou une attaque contre la politique nationale au cours d’une représentation sur un théâtre national… ». C’est là un des points où Athènes a atteint incontestablement un plus haut degré de tolérance que n’importe quelle autre société connue. Car Aristophane, après Les Acharniens, ne fut pas traîné en justice mais couronné par le premier prix du festival !

Pain, paix et poésie

Lorsqu’on a la chance d’être né en Attique, de vivre dans une démocratie, d’aimer les femmes, le vin, la paix, la justice, de détester la guerre, la démagogie, la bêtise et la vilainie, et lorsqu’on a assez de talent pour pouvoir le dire, bref, lorsqu’on s’appelle Aristophane, on arrive vite, vers l’âge de vingt-cinq ans, et pour peu qu’on ait l’œil ouvert sur les gens et les choses, aux conclusions suivantes :
il n’y a rien à attendre des hommes en place ni des dieux. Les hommes en place n’ont qu’un seul but : garder leur place en dupant le peuple. Ce sont des démagogues ou des sophistes. Pire, ce sont des généraux ou des marchands d’armes : inutile de compter sur eux pour obtenir la paix puisqu’ils vivent de la guerre.
quant aux dieux, ils sont plus impuissants encore que les hommes. Ou ils jouent les indifférents et se retirent au fond du ciel et ce sont des lâches. Ou ils s’intéressent aux hommes mais pour les pires raisons : leur ravir leurs femmes ou leurs biens (sous forme de sacrifices). Dans tous les cas, ils leur prennent tous leurs défauts et deviennent couards, hypocrites, vénaux… Bref, le peuple, s’il veut la paix, la justice et la fin de la démagogie ne doit compter que sur lui-même.
C’est en gros le thème de La Paix, mais à la différence des œuvres précédentes, Aristophane adopte, pour l’exprimer, un ton moins virulent, plus poétique, plus fantaisiste que dans Les Acharniens, Les Cavaliers ou Les Babyloniens. La Paix, avec Les Oiseaux, sont deux œuvres féeriques, on pourrait même dire, deux œuvres utopiques d’Aristophane. Les êtres y évoluent entre ciel et terre sans contraintes : Trygée, le vigneron de La Paix, monte au ciel sur un bousier volant pour en redescendre… à pied ; les personnages des Oiseaux s’installent, entre ciel et terre, dans une cité de nuages : Coucouville-sur-Nuées. Là-haut, le monde laid, banal, quotidien, a disparu : dans la cité peuplée d’oiseaux, plus de guerre, d’impôts, de tribunaux et, surtout, plus de généraux, de magistrats, de faux prophètes, de prêtres, de marchands, de mauvais poètes… Cette dernière engeance semble avoir particulièrement agacé Aristophane qui montre que les meilleurs poètes lyriques sont encore… les oiseaux ! Bref, Trygée, le vigneron de La Päix, dans sa maison devenue un havre d’abondance et de plaisirs, ou les personnages des Oiseaux dans leur cité de nuages , ont trouvé la Paix, grâce à un subterfuge sur lequel personne ne pouvait s’abuser mais dont le symbole était clair : la paix ne s’obtient que par l’union de tous et l’effort de quelques uns pour entraîner les autres.
Ni les dieux ni les chefs ni aucun de ceux dont c’était le devoir de le faire n’ont mis la main à la pâte : l’impulsion, la réflexion, l’effort sont venus de l’homme seul, du simple citoyen, du vigneron Trygée. Oui, le peuple, s’il veut la paix, ne doit compter que sur lui-même et n’est-ce pas un miracle, de la part d’Aristophane, d’avoir su, sur un mode merveilleux et féerique qui rappelle l’univers enchanté des premiers films de Méliès, faire contenir des vérités assez brutales pour aujourd’hui encore, réveiller les éternels, les sempiternels endormis ? S’ils se réveillent, et s’ils ouvrent les yeux, ils verront que de la paix découle l’abondance, et que de l’abondance naissent les chants et les jeux.
Telle est la devise d’Aristophane : paix, pain et… poésie.

Jacques Lacarrière

Bref, février 62 ?

Où sommes-nous nés ?

Dans le cerveau et sous la main des commerçants et des comptables phéniciens inventant l’alphabet qui par la suite devint le nôtre. Nous avons grandi dans leurs signes et leurs comptes, et sur les bancs de leurs navires, inventoriant la mer jusqu’en Sicile. Nous sommes nés aussi sur le sein de la déesse Isis, dans les marais du delta du Nil, quand elle cachait et allaitait son fils Horus, poursuivi par son oncle Seth qui cherchait à le tuer pour régner à sa place. Toute la tendresse du monde est née dans cette heure, ce lieu, ce refuge et ce sein où la déesse se penche sur son enfant pour le nourrir et le sauver. De cette heure, de ce lieu, de ce geste naîtront toutes les mères à l’Enfant – et plus tard toutes les vierges à l’Enfant – de la sculpture et de la peinture occidentales. Et nous sommes nés aussi, un peu plus tard, en Grèce, sur la colline de la Pnyx, en face de l’Acropole, quand Périclès, le maître absolu d’Athènes, déclare aux Athéniens assemblés sur les gradins que l’homme doit devenir un citoyen conscient et responsable devant lui et devant les autres, et jamais plus un simple sujet obéissant aveuglement à des tyrans.

Il est des paroles qui enfantent tout autant que des ventres, des mots gravides comme celui même qu’inventèrent les Grecs : le mot démocratie. Ou comme dans l’hymne de Sophocle où le chœur chante : « De tous les prodiges de ce monde, le plus grand des prodiges est l’homme. » Je pense et crois aussi que nous sommes nés, plus tard encore, sur les rivages de Palestine, et tout particulièrement en un matin – lumineux comme celui de la première plage phénicienne – ou une certaine Marie-Madeleine, se rendant au tombeau où elle pensait voir le corps de Jésus, le trouva vide et aperçu Jésus, ressuscité, déjà entre deux mondes, et qui, la voyant approcher, lui murmure : « Min mou aptou. » « Ne me touche pas. » Ajoutant : « Je ne suis pas encore monté vers mon père. » A vrai dire, nous sommes nés encore et sûrement en d’autres lieux, dans les bras d’autres femmes, sur les seins d’autres mères ou sur les lèvres ou dans les paroles d’autres hommes…

Extrait d’un texte pour « Géo »