A l’occasion des dix ans de la disparition de Félix Rozen, ses amis ont mis en ligne un site consacré à son oeuvre, inauguré le 15 octobre 2023.
Nous partageons ici un texte de Jacques Lacarrière écrit à l’occasion de son exposition à la galerie Artemporel de Montpellier en juin 1990.
«Je fixais des vertiges. Cette phrase de Rimbaud pourrait très bien convenir aux nouvelles toiles de Félix Rozen, où les traits, les signes, les couleurs et les couches vivent des noces tour à tour primitives et savantes. C’est le mouvement même des genèses et des créations qui affleure en ces toiles, par la patiente superposition des touches, exprimant ici des naissances d’étoiles, là un séisme printanier, ailleurs des élans et des rythmes saisis dans le vif de leur source. Chaque toile devient ainsi un parchemin où s’inscrivent les signes d’une écriture perpétuelle.
Avec les gravures, ce sont plutôt les traces, les sceaux de messages sibyllins qui sont ici proposés par le peintre. On y découvre l’aurore de signes à déchiffrer en même temps que les empreintes d’un pays oublié, celui où l’écriture a pris naissance. Il y a en Félix Rozen un rêveur scientifique et un scribe lyrique qui savent concilier ce qu’on croyait inconciliable : le passé le plus vieux et le futur à naître, en un mot la memoire de la modernité.
Jacques Lacarrière.