Dans la série des craintes, disons que je crois moins aujourd’hui à un danger atomique qu’à un danger génétique. Les vraies menaces me semblent être venues de ce pouvoir exorbitant que nous nous sommes octroyé de modifier la structure interne des êtres. C’est un pouvoir faustien par excellence : si le diable, si Satan existait, il ferait des clones aujourd’hui. Ce serait vraiment la dérision de la création, si l’on veut se placer d’un point de vue théologique, puisque c’est la reproduction à l’infini, de façon répétitive et industrielle, d’un être qui, par définition ne devrait pas être. Chaque être humain est, doit être, unique du moins sur ce plan de la création et le clone est sa négation absolue : le clonage s’avère en cela satanique. On va m’objecter des raisons scientifiques : je dirais qu’à ce niveau-là on fait encore une de ces expériences dont on ne sait strictement rien de ce qu’elle va donner sur l’homme, ce qui s’avère d’autant plus grave que l’on touche les fondements mêmes de la vie. Voilà donc ce qui me semble mettre le plus en question le sens même de notre existence. Dans la nature, seuls les organismes unicellulaires se reproduisent à répétition : alors, faut-il qu’au terme d’une évolution millénaire on redevienne un bourgeon pensant ? Tout le système social et familial va se trouver remis en question. C’est peut-être la seule invention qui rassemble toutes les terreurs de la science fiction de ce siècle, Orwell et Huxley en tête.
Ma vision positive inverse ce postulat et pose la question de l’utilisation de nos formidables moyens : on a en effet tous les moyens pour agir de façon plus intelligente pour le bien de l’humanité. Pourquoi ne le fait-on pas ?
Mon rêve essentiel et qui n’a rien de secret, puisque je le répète sans cesse aux collégiens et lycéens que je rencontre dans des classes où j’interviens en conférence, c’est que l’être humain prenne conscience que la Terre est un être vivant à qui nous faisons subir des dommages de plus en plus irrémédiables. Il faut faire sentir notre appartenance vitale et viscérale à la Terre.
Les lieux sources :
Il y a ceux qu’on découvre et ceux qu’on construit. Pendant longtemps, la forêt a été mon lieu idéal de ressourcement. Puis je me suis construit un lieu de méditation dans mon grenier où je me retire tout en me sentant relié à l’univers. Mais je trouve que les choses prennent plus de sens encore dans les méditations collectives : dans le silence ensemble, qui augmente la concentration intérieure. On multiplie ses sens, et l’essence, avec les autres.
Mon icône :
Cette miniature du Sanctae hildegardis Revelartiones de Hildegarde de Bingen avec ce commentaire : » L’homme a de la terre, la chair ; de l’eau, le sang ; de l’air, le souffle ; du feu, la chaleur. Sa tête est ronde à la manière de la sphère céleste. Ses yeux brillent comme les deux luminaires du ciel. Sept orifices le décorent, harmonieux comme les sept ciels. La poitrine, où se situent le souffle et la toux, ressemble à l’air où se forment les vents et les tempêtes. Le ventre reçoit tous les liquides, comme la mer tous les fleuves. Les pieds portent le poids du corps, comme la terre. L’homme tient la vue du feu céleste, l’ouïe de l’air supérieur, l’odorat de l’air inférieur, de l’eau le goût, de la terre le toucher. Il participe à la dureté de la pierre par ses os, à la force des arbres par ses ongles, à la beauté des plantes par ses cheveux » (Honorius d’Autun, Elucidarium).
Livres :
Le seul livre que j’avais emporté lorsque j’étais parti tout seul à pied, quatre, cinq mois durant, à travers la France, était La Divine Comédie de Dante dans la collection » La Pléiade « , parce qu’elle ne tenait pas de place. Je l’ai abandonnée au bout de huit jours parce que tout ce que je voyais était dix fois plus important que n’importe quel livre. Les livres, on les retrouve toujours, mais les gens que je rencontrais chaque soir dans un village, je ne les reverrai jamais.
Musiques :
Celle des anges.