Je n’arrive pas à démêler distinctement où commence et où finit dans l’écriture ce qu’on adresse aux autres, ce qu’on écrit pour soi. Et j’erre, hésite, tâtonne tout au long de ces fragiles fontanelles par lesquelles le réel adhère à nous-mêmes et qui si souvent disloquent. De toute façon, je n’aime guère les autobiographies, les mémoires ni les auto-dialogues. Je n’arrive pas à croire qu’on peut être soi-même source d’entière création. Pour moi, il n’est d’écriture que de partage et de savoir que fraternel. C’est à dire découvert, éprouvé et vécu en commun. L’écrivain d’aujourd’hui ne peut plus être ce Narcisse penché sur un miroir qui ne reflète que lui-même. Pas plus d’ailleurs qu’un héliotrope ou un tournesol perpétuellement dressé vers les étoiles – et donc aussi loin des hommes.
N’existe-t-il pas quelque part, sur cette planète ou sur une autre, une fleur qui ne regarde ni la terre ni le ciel mais soit tournée vers ses compagnes ? Une fleur qui vive à « hauteur de fleur » eut dit Marx s’il avait été botaniste ?
Si elle existe, cette fleur, alors, elle sera mon modèle, ma compagne, ma sœur. Si elle existe, celle-là sera d’emblée mon emblème et mon mythe. Si elle existe. Il ne nous reste plus qu’à la chercher.