Je suis allé au mont Athos à trois reprises et j’y ai séjourné de longs mois parmi les moines et les ermites. C’est avec eux que je me suis alors initié à la langue grecque moderne ainsi qu’aux arcanes du chant et de la musique byzantine. Le mont Athos n’est pas un lieu hors du temps mais par son isolement géographique, son histoire très particulière, ses traditions et ses modes de vie spécifiques, il représente une étonnante survivance de la civilisation byzantine. Aller au mont Athos ne fut jamais pour moi un voyage de nature touristique mais une rencontre toujours inattendue et enrichissante avec un monde au-delà des miroirs du temps.
Écrire sur le mont Athos implique, en conséquence, qu’on soit ou non orthodoxe et croyant, une imprégnation préalable de l’atmosphère singulière de la Sainte Montagne et une complicité personnelle qu’on retrouvera ici dans le choix des thèmes, des idées, des images. Le texte comporte donc deux mouvements. Le premier, intitulé Chemins et monastères, est consacré à l’extériorité du mont Athos, ses paysages, ses chemins, ses monastères, ses ermitages, ses rituels et ses liturgies. Et aussi son histoire et ses légendes. Le second explore davantage son intériorité et, sous le titre Le jardin mystique, propose un voyage intérieur au cur des icônes, des hymnes, des chants et des poèmes de la mystique contemplative. On y trouvera quelques traductions d’hymnes célèbres comme l’hymne consacré à la Vierge, nommé Hymne acathiste, un des plus beaux poèmes mystiques de la Grèce. Car ce que j’ai souhaité en ce texte n’est pas de dénommer, décrire, inventorier ni relater uniquement les beautés, les singularités de ce lieu ; mais en restituer l’atmosphère à la fois mystique et lumineuse, l’écoulement particulier du temps, partagé entre les liturgies nocturnes et le poème profane de l’aurore ou du crépuscule sur la mer. Athos est un lieu, un foyer, un creuset où s’allient chaque jour les contraires, la terre et la mer, la nuit et la lumière, le silence et le chant du monde. Au point que les anges, dit-on, le préfèrent à tout autre en Grèce. – Jacques Lacarrière
Imprimerie Nationale Editions
Paris 2002
ISBN : 978-2743304324