Publié le 4 juin 200610 juin 2019 par mdehPaul Valet Paul Valet (1905 – 1987) par Jacques LacarrièreSoleils d’insoumissionsJ’écrisC’est un mystèreJe visC’est un miracleMatière première Aussi incendiaire, éruptif ou explosif soit-il, un texte n’a jamais rien à redouter d’une analyse, spectrale ou non. Dans le ciel, orages, foudre et tempêtes se laissent spectographier aussi sereinement que les embellies. Profitons-en donc pour rappeler – surtout en ces temps terroristes – que les matières dîtes explosives ne le sont pas naturellement mais ne le deviennent qu’après un mélange spécifique et approprié. Et il en est évidemment de même avec les mots. Aucun mot n’est par nature détonnant – pas même le mot détonation qu’on peut murmurer doucement, sensuellement ou tendrement ou qu’on peut hurler à l’encan. Seul compte leur rencontre, alliance ou mésalliance, noce ou divorce, refus ou métissage. Paul Valet, l’entend et le formule ainsi dès ses premiers recueils……Dès le début, donc, Valet trouve son cri approprié, son rugissement identitaire. Prenons le poème intitulé « Je suis gauche » ouvrant Sans muselière paru en 1949 et dédié à Vladimir Maïakovski :Je suis droitJe suis gaucheJ’écris avec mes poingsSans virgulesSans poingsSans cocoSans pernodSans muselièreSans bandage herniaireRéponse à Paul EluardQuand vous ditesQu’il faut marcher avec ceux qui construisent le printempsPour les aider à ne pas être seulsEt pour ne pas être seul soi-mêmeDans sa tour de pierreDévoré de lierreJe vous donne raisonEt quand vous ditesQu’on n’a de raison d’êtreQue pour les autres êtresVous avez raison vous avez raisonEt quand vous ditesQu’il faut chanter le monde pour le transformerEt pour l’expliquer et pour le sauverEt pour vivre non seulement dans sa bulle de savonMais dans la haine de l’injusticeEt pour un but incarné comme un champ de bléVous avez raison vous avez raisonMais je saisQu’une étreinte fraternelle sans patrie ni partiEst plus forte que toutes les doctrines des docteursMais je saisQue pour libérer l’homme des haltères de misèreIl ne suffit pas de briser les idolesPour en mettre d’autres à leur place publiqueMais qu’il faut piocher et piocher sans fin jusqu’au fond de l’abcèsEt boire ce calice jusqu’à la lieOn ne libère pas l’homme de son rein flottantPar une gaine élastique aux arêtes barbeléesOn ne libère pas l’homme de son corset de ferEn le plongeant dans un vivier de baleinesOn ne libère pas l’homme de ses maudits ÉtatsEn le condamnant à vie par un modèle d’ÉtatLa vérité n’est pas un marteau que l’on serre dans sa mainFût-ce une main de géant plein de bonne volontéMais la vérité c’est par quoi nous sommes façonnésMais la vérité c’est par quoi nous sommes éclairésQuand par la nuit sans suite les mots jaillissent de nos lèvresPour apaiser les hommes suspendus à leur vide