Paul Valet


Paul Valet (1905 – 1987) par Jacques Lacarrière
Soleils d’insoumissions


J’écris
C’est un mystère
Je vis
C’est un miracle

Matière première Aussi incendiaire, éruptif ou explosif soit-il, un texte n’a jamais rien à redouter d’une analyse, spectrale ou non. Dans le ciel, orages, foudre et tempêtes se laissent spectographier aussi sereinement que les embellies. Profitons-en donc pour rappeler – surtout en ces temps terroristes – que les matières dîtes explosives ne le sont pas naturellement mais ne le deviennent qu’après un mélange spécifique et approprié. Et il en est évidemment de même avec les mots. Aucun mot n’est par nature détonnant – pas même le mot détonation qu’on peut murmurer doucement, sensuellement ou tendrement ou qu’on peut hurler à l’encan. Seul compte leur rencontre, alliance ou mésalliance, noce ou divorce, refus ou métissage. Paul Valet, l’entend et le formule ainsi dès ses premiers recueils…
…Dès le début, donc, Valet trouve son cri approprié, son rugissement identitaire. Prenons le poème intitulé « Je suis gauche » ouvrant Sans muselière paru en 1949 et dédié à Vladimir Maïakovski :
Je suis droit
Je suis gauche
J’écris avec mes poings
Sans virgules
Sans poings
Sans coco
Sans pernod
Sans muselière
Sans bandage herniaire


Réponse à Paul Eluard
Quand vous dites
Qu’il faut marcher avec ceux qui construisent le printemps
Pour les aider à ne pas être seuls
Et pour ne pas être seul soi-même
Dans sa tour de pierre
Dévoré de lierre
Je vous donne raison
Et quand vous dites
Qu’on n’a de raison d’être
Que pour les autres êtres
Vous avez raison vous avez raison
Et quand vous dites
Qu’il faut chanter le monde pour le transformer
Et pour l’expliquer et pour le sauver
Et pour vivre non seulement dans sa bulle de savon
Mais dans la haine de l’injustice
Et pour un but incarné comme un champ de blé
Vous avez raison vous avez raison
Mais je sais
Qu’une étreinte fraternelle sans patrie ni parti
Est plus forte que toutes les doctrines des docteurs
Mais je sais
Que pour libérer l’homme des haltères de misère
Il ne suffit pas de briser les idoles
Pour en mettre d’autres à leur place publique
Mais qu’il faut piocher et piocher sans fin jusqu’au fond de l’abcès
Et boire ce calice jusqu’à la lie
On ne libère pas l’homme de son rein flottant
Par une gaine élastique aux arêtes barbelées
On ne libère pas l’homme de son corset de fer
En le plongeant dans un vivier de baleines
On ne libère pas l’homme de ses maudits États
En le condamnant à vie par un modèle d’État
La vérité n’est pas un marteau que l’on serre dans sa main
Fût-ce une main de géant plein de bonne volonté
Mais la vérité c’est par quoi nous sommes façonnés
Mais la vérité c’est par quoi nous sommes éclairés
Quand par la nuit sans suite les mots jaillissent de nos lèvres
Pour apaiser les hommes suspendus à leur vide